Une constitution arrive ... un médecin s'en va
Un sondage rapide effectué ce matin auprès de mes confrères de travail m’a donné matière à rédiger ces lignes … parmi les six médecins interrogés, TOUS m’ont confié qu’ils n’iront pas voter pour la constitution. La plupart par pur désintérêt vis-à-vis d’un processus jugé … je cite ... « sans grande importance », certains par réelle volonté de boycott d’une constitution jugée … je cite … « trop en deçà des ambitions ».
Je ne peux m’abstenir de faire le lien entre ce constat poignant, et les événements qui ont marqué le mouvement de protestation des médecins marocains au sein des hôpitaux du royaume. Ce médecin marocain, en règle jeune cadre bosseur, très peu connaisseur des rouages de la politique, qui s’est spontanément livré à une lutte pour ses droits les plus rudimentaires, d’abord contre le ministère de tutelle, puis contre toutes les institutions de l’état voire de la société après une prise d’ampleur déroutante.
Se dresser contre l’état, l’opinion publique et la société civile s’est rapidement avéré être un combat démesuré mené à épées de bois contre artillerie lourde, ou le courage a failli devant la ruse, et ou le fait de défendre la cause juste n’a pas suffit car manquant cruellement de justesse et d’habilité.
L’état a certes su briser cette résistance fougueuse mais hélas novice, à coup de matraques, de désinformation médiatique et de pressions politiques, mais le prix à payer en était fort à mon sens … cette élite déjà peu confiante dans la démarche de l’état à l’image d’un système de soins d’une précarité déprimante, s’est maintenant vu écœurée par l’attitude perfide de celle-ci tout au long de ce bras de fer. « Dégouté » : tel est le mot ou la plupart des jeunes médecins trouvent désormais l’exacte description de leur état d’âme.
L’information est tombée Mardi dernier grave et secouante, le suicide d’une jeune médecin interne dans des circonstances non encore complètement élucidées mais certainement mêlées aux conditions insoutenables de travail, a teinté en noir une ambiance déjà trop morose. Faire des gardes en service de réanimation, presque livré à soi-même, dans des conditions inhumaines, sans droit à la récupération, pour recevoir des remontrances désobligeantes et des miettes en fin de mois … tout ceci ne saurait être la cause directe ni unique du désarroi d’une âme surement déjà lésée, mais la responsabilité de déclencher et précipiter la tragédie fait à elle seule sonner l’alarme, voire sonner le glas de la ficelle du respect et de la confiance qui nous lient aux gens qui décident pour nous.
Toutes mes condoléances à la famille B. pour la perte de notre consœur … et toutes mes condoléances à l’état marocain pour la perte de toute une génération de médecins.