La grande visite

Publié le par Amine

 

  
 
Le grand tour du service se fait habituellement chaque semaine a échéance régulière, de bonne heure,
 menée par Mr le chef de service

Tous les malades s’assurent de faire les préparatifs nécessaires a cette tant attendue visite, événement hebdomadaire qui sème différents sentiments parmi les pavillons du service : soulagement et bonne humeur pour les plus chanceux, désarroi pour certains, incertitude et attente infernale pour bien d’autres…


Quelques minutes avant le début : Tout le monde est tiré à quatre épingles, position demi assise pour mieux profiter du passage (sauf pour les grabataires), portable assourdi pour les plus avisés.


Certains malades préparent avec soin les questions qui les tourmentent pour espérer une réponse apaisante de la part du « grand médecin » (tbib lekbir)…les plus timides se contentent de prêter grande oreille au charabia qui se tient autour de leur lit, dans l’espoir de rafler en l’air un quelconque mot qui se prêterait à une quelconque interprétation.

Les anciens du service eux, sont tellement décontractés que « ddora lekbira » ne leur fait désormais ni chaud ni froid


On pourra lire un sentiment d’injustice sur les traits des malades qui n’auront droit qu’à quelques minutes voir quelques secondes d’escale de la troupe des blouses blanches.Ceux la rappelleront ultérieurement le petit médecin (l’EXTERNE), pour essayer de rattraper le coup.


La grande visite rime pour moi avec souvenirs et sentiments disparates…dépendant en grande partie du meneur, en l’occurrence « chaf lekbir »…

La « méga visite » : où le lot de blouses blanches est tellement nombreux que le dernier perçoit le malade des 30-40 mètres…pas question d’entendre un mot certes…mais « ketrou sawad l oumma » nous dit-on.

La « visite éclair » : bien connue des services de chirurgie…la cadence est tellement athlétique qu’une trottinette nous serait de fort bon aloi

La « visite infernale » : a l’opposé de la précédente…chaque malade aura droit a une demi heure d’escale voire plus, les jambes s’engourdissent et l’estomac crie faim, on commence à chercher le bord du lit pour prendre appui, jeter un coup d’œil suggestif à la montre …mais waaaaaaalou, le prof ne lâche pas le morceau…

La « visite stress » : place aux stratégies pour se tenir hors portée du champs visuel d’un boss qui te sort des questions aussi tranchantes qu’une lame de rasoir…le niveau de l’étudiant est certes souvent lamentable, cela dit, une perfidie de l’autre coté se laisse des fois deviner. Un conseil d’expérimenté : se mettre aux cotés du boss vous laisse le plus souvent l’honneur sauf.

 Et  la « bonne visite » alors? A mon sens, c’en est la plus équilibrée entre tout ça : celle où le malade sent qu’on lui porte un intérêt, qu’on respecte son intimité dans la limite du possible, celle où il s’appelle mohammad ou abdelkadar non pas un  colon ou une vésicule. La bonne visite commence avec un « sba7 lkhir » et un large sourire à l’égard du malade qui n’en demande pas plus.
La bonne visite est une séance didactique d’où tout le monde sortira plus éclairé…  où il n’y a pas de place aux mégalomanes qui raffolent des démonstrations de force, ni aux nonchalants qui oublient vite qu’ils furent EXTERNES aussi un jour, encore moins à ceux pour qui la visite est un moment de détente, se payant alors la tête de l’audience par des récits farfelus sans rapport avec la médecine.


 

Publié dans Etre Tbib au Maroc

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