Silence ! ça tourne...en rond.
17h, au volant de la voiture...j'étais en train de zapper sur les chaînes radio…et comme d’habitude, pas plus de 30 secondes par chaîne, dans l’espoir de tomber sur quelque chose de comestible
Une émission qui parle cinéma…bon, au moins quelque chose de correct je me dis…écoutons tant qu’il n’y a pas mieux.
C’est une jeune cinéaste qui est au micro, et qui défend la cause d’un film qui d’après ce que j’ai compris est quelque peu « offensant » dans le sens des mœurs et des convenances sociales…si vous voyez ce que je veux dire…
Ce qui m’a surpris, c’est la réplique de cette cinéaste qui, révoltée de voir le film sujet à des critiques quelque peu virulentes, s’exclama :
« cela dévoile que nous autres marocains, avons reçu une éducation non ouverte…nudité rime toujours pour la plupart d’entre nous avec tabou…alors que la nudité est en fait synonyme de beauté »
Quelques minutes après, le directeur du centre cinématographique entre en scène…en réponse à une question du présentateur qui demandait est-ce qu’un film au Maroc risquait de se faire censuré pour des raisons similaires, il répond « jamais, si un film est potentiellement offensant pour un public particulier, les mentions –interdit au moins de 10ans, ou 16ans- peuvent être utilisées…mais je ne conçois pas de censure totale »
Bien, bien…j’avais tellement envie de demander à ces braves gens, pourquoi donc pas la mention « interdit aux moins de 18ans », cela permettrait plus de « beauté » sur nos écrans…
Je n’ai guère l’humeur d’entrer dans un débat de morale, car je garde la conviction que le spectateur le moins instruit, connaît parfaitement les limites de ce qui est décent…mais j’ai envie de parler de la tendance générale du cinéma marocain ces temps-ci.
Je ne peux pas m’empêcher de croire qu’après une période de médiocrité complexe des films marocains, du scénario à la réalisation, en passant par la prestation des acteurs et les bandes sons, nos réalisateurs sont passés à une nouvelle philosophie : plus tu ébranles les bornes morales et plus c’est bien !
Le temps des dialogues crispés et synthétiques, genre : « w9ef fel makane dialek wa illa ghadi netle9 3lik rrassass ! »... « chnou kate9ssed b klamek assi farid !? » est maintenant révolu !
Mais à la place, que trouve-t-on dans cette nouvelle vague de films? Pratiquement toutes les histoires tournent autour de prostitution, adultère, homosexualité et sujets voisins, à croire qu’il n’y a que ça à relater…
Je le dis d’emblée, je ne suis pas contre le fait de rapporter des phénomènes de société, mais de la à miser sur l’indécence (je n’appelle pas ça audace) en quête de qualité, je trouve cela irresponsable voire perfide. De plus, tout ce qui est mauvais n’est pas nécessairement à mettre sur l’écran, je compare cela à une téléréalité qui « déshabillerait » tous les défauts et dérives d’un foyer…c’est simplement immoral.
Je vous rapporte la un seul exemple, un film qui est en passe de devenir le « meilleur long métrage de tous les temps » ; Casanegra :
« Violence, langage cru, sexe… Jamais un film marocain n’aura été si loin (…) Noureddine Lakhmari fait exploser de nombreux tabous : alcool, drogue, homosexualité, prostitution, femmes battues, enfants des rues, masturbation…Je n’ai rien inventé. Mon film est un miroir de la société marocaine »
Florence Beaugé
Lemonde 28/01/2009
Décidément, ce prétexte à la mode de « reprendre le vrai Maroc tel qu’il est » semble satisfaire tout le monde. Que donnons nous comme exemple à nos jeunes ? Que gagnons nous à répéter aux marocains, images et sons à l’appui « vous ne le saviez donc pas ?? bein y a un truc qui s’appelle prostitution qui sévit au Maroc ! » Awwah ?! Je ne savais pas !
Le comble c’est qu’au terme de ces films, jamais vous ne sentez que l’objectif était de mettre en garde nos adolescents de ces débauches par exemple…c’est juste par plaisir de raconter le « 7chouma » de la société…
J’ai toujours rêvé qu’on nous annonce par exemple la sortie d’un « Abdelkrim Al Khattabi, épopée d’un héros » à la « Brave Heart » américaine…j’oserai à ce moment proposer une sortie ciné à toute la famille sans craindre d’être obligé d’entendre des injures, et d’être offensé par des scènes de nudité…car cela, on en a notre compte à la rue.
Tout compte fait, de la médiocrité à la crise d’adolescence, notre cinéma Marocain tourne certes, mais en rond !